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Un peu comme au Monastère ?

 Les premiers jours de confinement sont derrière nous… Le plus long est à venir ! Comment durer dans cette expérience singulière, qui semble aller tellement « contre nature » en nous tenant prisonniers de nos 4 murs, mis à distance de ceux que nous aimons, privés de l’alternance bienfaisante de nos cadres de vies et environnements : familiaux, professionnels, culturels et cultuels… ???

Plusieurs d’entre vous ont spontanément fait le rapprochement avec notre forme de vie : « dans le fond, ça doit être un peu comme au Monastère ? »; ou encore : « je ne sais pas si ça vous change vraiment ? ». Pour aujourd’hui, je m’en tiendrai à la première question. Est-ce « un peu comme au Monastère ? » ; et si oui : à quelles conditions ?

La clôture, nous l’avons choisie, nous ne la subissons pas. Le retrait, cet espace de désert, nous l’avons voulu, comme signe de la radicalité de notre recherche du Visage de Dieu, comme cadre favorisant cette quête en même temps que notre intercession pour lemonde. La clôture, si elle nous met « à distance du monde » et de ses bruits, nous place en même temps au cœur du monde, au Cœur de Dieu. Pour que le confinement soit « un peu comme au Monastère » il faut donc, à défaut de l’avoir choisi, choisir d’en faire un bien : une occasion de chercher plus intensément le Visage de Dieu, et de porter nos frères au plus intime de notre cœur, plus profondément que ne le permettent des relations quotidiennes peut-être habituées et plus ou moins superficielles…

Nous touchons ici un autre aspect. Les autres sont un bien, un don de Dieu. Les accueillons-nous vraiment comme tels ? « Avec les sœurs que Dieu m’a données », dit Ste Claire… Confinés à la maison, au coude à coude avec nos plus proches, dans un espace plus ou moins limité et fermé, nous n’avons plus d’échappatoire ; nous sommes renvoyés à ce que nous sommes, à nos limites, à notre pauvreté ; à la qualité de nos relations, à leur profondeur, à leur vérité. C’est sans doute l’une des premières et plus décapantes expériences vécues lorsque nous entrons au Monastère. Nous pensions aimer ; nous découvrons que nous ne savons pas… ; que l’autre nous dérange en son altérité, qu’il nous agace, qu’un loup habite avec l’agneau que nous avions l’illusion d’être. Nous ne nous connaissons pas, ou si peu… Alors, plutôt que nous en attrister, il faut commencer, nous mettre en route ! Entreprendre ce que le Pape François nomme « l’exode du soi auto- centré », pour aller, « attiré par le visage du Dieu Saint et, en même temps, par « la terre sacrée de l’autre », pour expérimenter une communion plus profonde (Vultum Dei Quaerere 1,1)… Belle perspective pour un Carême, que cet exode ! Et pas étonnant que le Saint Père, ces jours-ci, encourage si souvent les familles à l’attention délicate, aux petits gestes, à la patience, à la bienveillance… Tout un programme, pour que le confinement ne transforme pas les maisons ou appartements en dépôt d’explosifs, mais plutôt en foyers de lumière !

Impossible à vivre, s’il n’y a place pour le pardon. Sagesse de la vie monastique, qui en réponse à la Parole de Dieu, ne laisse pas le soleil se coucher sur un différend entre les frères ! Le bon usage de la coulpe, ou demande de pardon au terme de chaque jour, contribue à maintenir un climat de paix. Chacun se connaissant pauvre et pardonné, laisse plus aisément à l’autre la possibilité de l’être aussi ! Savoir se demander pardon; laisser résonner dans la maison ces simples mots : « pardon ; s’il-te-plaît ; merci ». Offrir un sourire, la clarté d’un regard. Ne pas croire que tout nous est dû, exprimer humblement nos besoins, remercier toujours, parce que du matin jusqu’au soir, tout est don…

(à suivre…)

 

 

 22 mars 2020 Confinement et vie monastique Une clarisse d’Arras.

 


 

                       

 

 

 

 

Du matin jusqu’au soir…

Du matin jusqu’au soir, tout est don… disions-nous la semaine dernière. Du matin jusqu’au soir… ? Parlons-en aujourd’hui, dans la perspective initiée par ces lignes offertes : En quoi notre vie de clarisse peut-elle apporter une lumière à ces jours de confinement qui s’imposent à nous et se prolongent ?

« On commence à s’organiser », nous écrivait une jeune amie évoquant la vie familiale soudain intensifiée en sa dimension communautaire : «on a écouté la bénédiction du Pape. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas prié en communauté ! » L’organisation familiale modifiée par la situation inédite du confinement occasionne donc un recentrage et ré-ouvre des possibilités oubliées…

« On commence à s’organiser ». S’organiser, autrement dit avoir de nos journées une certaine maîtrise : le lever est plus facile, quand on sait pourquoi l’on vit, et ce que l’on veut faire du jour nouveau reçu comme un cadeau ! Au Monastère, la vie est organisée, autour d’un centre ; l’organisation est rythmée par la prière, ces rendez-vous avec le Seigneur pour lui présenter tous nos frères en humanité et porter devant Lui « leurs souffrances et leurs joies, leurs tristesses et leurs espoirs » ; l’appel de la cloche nous empêche de nous laisser accaparer par la tâche à accomplir, le travail à faire, le message à envoyer, le coup de fil à donner…Tant de choses « à faire », même (ou surtout) en période de confinement … Tant de choses qui peuvent encore nous donner l’illusion de la toute puissance, ou constituer une forme de « fuite en avant » ! S’organiser, mettre de l’ordre dans sa vie, donc choisir et re-choisir sans cesse la priorité : « Tu es Seigneur mon Roc, ma forteresse, mon libérateur ! À Toi, mon cœur fait confiance ». Le Pape François l’a pointé dans la méditation du 27 mars, donnée sur la Place St Pierre :

« Seigneur, tu nous adresses un appel, un appel à la foi qui ne consiste pas tant à croire que tu existes, mais à aller vers toi et à se fier à toi. Durant ce Carême, ton appel urgent résonne : “Convertissez-vous”, « Revenez à moi de tout votre cœur » (Jl 2, 12). Tu nous invites à saisir ce temps d’épreuve comme un temps de choix. Ce n’est pas le temps de ton jugement, mais celui de notre jugement : le temps de choisir ce qui importe et ce qui passe, de séparer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas. C’est le temps de réorienter la route de la vie vers toi, Seigneur, et vers les autres."

Et si « le temps du choix » commençait par celui de nos priorités quotidiennes ? Un beau couple d’octogénaires m’écrivait son emploi du temps en cette période de confinement : « la messe du Pape à 7h, les Laudes avec le Monastère sur Radio Maria à 8h, suivies du chapelet, puis la litanie des saints en communion avec la communauté. A 15h30 le chapelet avec Lourdes, le soir l’office des Vêpres »… Entre ces temps de prière intense en commpunion avec toute l'Eglise: la vie simple de Nazareth, les contacts avec enfants et petits-enfants qu’ils portent dans leur prière… Quand le Seigneur est au cœur, tout trouve sa juste place… Et pour nous, dans les jours à venir : quelle organisation ?

« Ici, à cette école [de Nazareth], on comprend la nécessité d’avoir une discipline spirituelle, si l’on veut suivre l’enseignement de l’Evangile et devenir disciple du Christ. Oh, comme nous voudrions redevenir enfant et nous remettre à cette humble et sublime école de Nazareth, comme nous voudrions près de Marie recommencer à acquérir la vraie science de la vie et la sagesse supérieure des vérités divines». (St Paul VI à Nazareth, le 05.01.1964)


29 mars 2020 Confinement et vie monastique Une clarisse d'Arras.


 

 

 

 

 

 

Un grand silence, une grande solitude…

Nous voici entrés dans la Grande Semaine, cette Semaine Sainte 2020 qui sera « pas comme les autres » ! Pour nous résonne encore la question : comment vous aider à la vivre, à partir de ce que nous vivons ?

Avec vous et comme vous, nous bénéficions de ce que permettent les nouveaux moyens de communication (sans oublier que d’autres en sont privés…) Depuis le début du confinement, nous avons pu prendre et donner des nouvelles, (nous) rassurer, (nous) informer, communiquer… Et ce, plus que nous ne le faisons habituellement en Carême : période qui, en notre forme de vie, est de plus grand retrait, sans visites ni courrier… Circonstances obligent ! Charité aussi… Toutefois, nous sommes bien conscientes qu’il faut en tout garder la mesure, qui est le propre de la vertu humaine ; et en vie chrétienne et monastique : ne pas perdre de vue la finalité propre à ce retrait plus grand du Carême : intensifier notre relation au Seigneur, revenir à Lui « de tout notre cœur », nous retirer « dans notre chambre » (tiens donc !) pour parler au Père « dans le secret », écouter sa Parole et lui permettre de purifier et transformer nos cœurs, autrement dit servir notre métanoïa, notre conversion, notre conformation à Jésus, le Bien-Aimé, donnant sa vie pour que nous vivions de la sienne, éternellement !…

En écho au sujet abordé dans l’article précédent, relatif à la nécessaire et bienfaisante organisation de nos journées, nous osons donc vous encourager à envelopper cette Semaine Sainte d’un manteau de grand silence, et de plus grande solitude ; manière de communier aussi à ceux qui vivent ce temps de confinement seul à la maison ou dans leur appartement. Discerner et moduler notre besoin de contact, laisser l’ordinateur, la tablette, le téléphone au repos ; ne pas fuir… Entrer en nous-mêmes, et nous connecter à Celui qui nous habite au plus intime, depuis le jour béni de notre baptême. . Lui poser nos questions, lui exprimer nos craintes, notre quête de sens et notre besoin de compréhension… Faire aussi ce que nous sommes peut-être les seuls à pouvoir faire : OFFRIR. Offrir au Seigneur ce temps, dans la confiance, choisir de faire de notre FIAT, de notre patience, de notre obéissance, des renoncements joyeusement consentis, une humble contribution à la sanctification du monde… C’est si peu, en fait, au regard de ce qu’Il a souffert pour nous, et au regard de ce que vivent tant de nos frères dans le monde, parfois depuis des années, sans que personne s’en émeuve, ou si peu… Humble contribution vraiment que la nôtre, mais à laquelle l’Amour donne un poids infini, une fécondité inouïe… Ne manquons pas donc l’occasion, les occasions ! L’épidémie court en silence… Répondons en silence, par l’épidémie du bien, de la prière silencieuse, de l’union à Celui qui Seul sauve le monde du péché et de la mort. Nous rejoindrons les autres à Pâques pour leur communiquer la joyeuse annonce plus profondément ancrée en nos cœurs: Christ est ressuscité ! Il est vivant, avec nous chaque jour, jusqu’à la fin des temps ! Et nous serons capables de leur communiquer l’invincible espérance.

Du sermon de St Epiphane, Office du Samedi Saint : « Un grand silence règne aujourd’hui sur la terre, un grand silence et une grande solitude. Un grand silence parce que le Roi dort. La terre a tremblé et s’est calmée parce que Dieu s’est endormi dans la chair et qu’il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles. Dieu est mort dans la chair et les enfers ont tressailli. Dieu s’est endormi pour un peu de temps et il a réveillé du sommeil ceux qui séjournaient dans les enfers. Il va chercher Adam, notre premier père, la brebis perdue. Il veut aller visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Il va, pour délivrer de leurs douleurs Adam dans ses liens et Eve, captive avec lui, lui qui est en même temps leur Dieu et leur Fils. Descendons donc avec lui pour voir l’Alliance entre Dieu et les hommes… »

6 avril 2020 - Confinement et vie monastique - Une clarisse d'Arras.